Le Défenseur des droits polonais alerté sur les abus de la chasse
Contexte : une minorité qui impacte toute la société
En Pologne, on compte environ 130 000 chasseurs, mais ce petit groupe influence la sécurité de l’ensemble d’un pays de 40 millions d’habitants. Le système actuel de « gestion cynégétique », hérité de l’époque communiste, repose toujours sur un modèle juridique des années 1950 ignorant le droit de propriété privée. Chaque année, plus de 4,5 millions de sorties de chasse ont lieu en Pologne, et entre septembre et janvier on recense quotidiennement plus de 20 000 lieux où des chasseurs tirent sur des animaux. Malgré l’obligation légale pour les clubs de chasse d’informer du danger, ces annonces ne parviennent pas efficacement aux riverains, promeneurs ou cueilleurs de champignons. En pratique, il n’existe aucune base de données publique indiquant clairement où et quand se déroulent les chasses, ce qui laisse la population dans le flou quant aux zones à éviter.
Une rencontre pour défendre les droits des citoyens
C’est dans ce contexte qu’une coalition d’organisations de protection de la nature a engagé un dialogue avec le Rzecznik Praw Obywatelskich (RPO) – l’équivalent polonais du Défenseur des droits – afin de dénoncer les atteintes aux droits des citoyens causées par la chasse. Début juillet 2025, des représentants d’ONG ont ainsi rencontré un adjoint du RPO et son équipe d’experts pour exposer les problèmes posés par la législation cynégétique actuelle. Cette initiative s’inscrit dans un effort citoyen plus large visant à collaborer avec le RPO sur les enjeux de protection de l’environnement et des animaux.
Lors de la réunion, les militants ont détaillé comment la réglementation de la chasse porte atteinte à plusieurs droits fondamentaux : droit de propriété, droit à l’information sur l’environnement, droit à la sécurité et même droits des enfants. Le représentant du RPO a remercié les intervenants pour ces contributions substantielles et a reconnu que le système de chasse polonais repose sur des bases anachroniques limitant les droits des citoyens. Il a indiqué que son bureau travaillait déjà sur une intervention générale visant à réformer le découpage des zones de chasse, et que les informations transmises par les ONG lors de cette rencontre aideraient le RPO à agir pour améliorer la sécurité dans les forêts. Par ailleurs, le médiateur adjoint a annoncé qu’il surveillerait de près les travaux du ministère du Climat et de l’Environnement sur ces sujets. (En août 2024, ce ministère avait promis de rendre les informations sur les chasses plus accessibles au public et de créer des sanctions en cas de non-déclaration des battues, des mesures qui restent à concrétiser.)
Principaux problèmes soulevés
- Atteinte au droit de propriété : Des terrains privés peuvent être intégrés d’office dans des zones de chasse sans le consentement des propriétaires. Ceux-ci n’ont pratiquement pas de moyen efficace de s’opposer à la chasse chez eux – leur droit d’intervention est purement illusoire dans la procédure actuelle.
- Opacité sur les dates et lieux de chasse : Il n’existe aucun système centralisé, ouvert au public, pour informer les citoyens des chasses planifiées (battues collectives ou chasses individuelles) à proximité de chez eux. En conséquence, les riverains et usagers de la nature découvrent souvent par hasard la présence de chasseurs, au mépris de leur droit d’accès aux informations environnementales. Une solution préconisée serait de créer une base de données en ligne, librement accessible, indiquant sur une carte où et quand ont lieu les chasses.
- Aucun registre des clubs de chasse : Les associations locales de chasse (affiliées au Club national PZŁ) ne figurent dans aucun registre public. Même leurs coordonnées de contact ne sont pas facilement disponibles. Ce manque de transparence complique les recours des citoyens – par exemple, un agriculteur dont la récolte a été ravagée par du gibier aura du mal à identifier le club de chasse responsable pour exiger une indemnisation.
- Absence de sanctions dissuasives : Les chasseurs qui omettent d’annoncer une battue ou qui enfreignent un arrêté d’interdiction de chasser ne risquent actuellement aucune sanction spécifique. En revanche, un citoyen qui, même involontairement, viendrait à « perturber » une battue de tirs sanitaires (par exemple l’abattage de sangliers pour cause de peste porcine) encourt, lui, jusqu’à 2 ans de prison. Ce déséquilibre juridique interpelle fortement les défenseurs des droits.
- Massacre inefficace des sangliers : Sous prétexte d’endiguer la peste porcine africaine (PPA), une véritable tuerie de sangliers a lieu dans les forêts polonaises, y compris l’abattage de femelles gestantes. Cette politique brutale n’a pas empêché la propagation de la maladie. Elle s’est accompagnée de la liquidation de petits élevages de porcs (des familles ayant perdu le travail de toute une vie), alors que les véritables foyers de risque de PPA – les fermes industrielles – continuaient leurs activités sans changement.
(Par ailleurs, dans certaines régions périurbaines, des chasses ont même lieu à proximité immédiate des habitations sous couvert de “lutte anti-PPA”, alors que ni cas de peste porcine ni élevage de porcs n’y sont présents – une situation aberrante souvent dénoncée par les habitants.)
Vers des réformes législatives ?
Le Défenseur des droits polonais (RPO) s’est clairement saisi du problème de la chasse. Dès août 2024, le RPO (Marcin Wiącek) a officiellement interpellé la ministre du Climat pour renforcer la loi sur la chasse. Il a souligné que la procédure de création des zones de chasse bafoue le droit des propriétaires (découpage de territoires sans véritable recours, absence d’information préalable sur les chasses individuelles, efficacité quasi nulle du droit d’opposition aux battues, etc.). L’approche du RPO – objective et apolitique – offre un réel espoir de changement systémique de la législation cynégétique. En dialogue avec la société civile, ce contre-pouvoir institutionnel pourrait aboutir à des mesures concrètes pour rendre la chasse en Pologne plus transparente, plus sûre et plus respectueuse des droits de tous. Un tel progrès ferait écho aux revendications portées dans d’autres pays d’Europe par les organisations de protection de la nature qui appellent à mieux encadrer (voire abolir) la chasse pour préserver la sécurité du public et la biodiversité.

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un projet cofinancé par une subvention financée par l’Union européenne dans le cadre du projet SPLOT WARTOŚCI. Ce programme est financé par l’Union européenne. Les opinions et points de vue exprimés n’engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Union européenne ou de la Commission européenne. Ni l’Union européenne, ni l’autorité ayant octroyé la subvention ne peuvent en être tenues responsables.
